Je me souviens très bien de l’année 1988… Un début difficile : j’avais encore une fois raté mon entrée comme enseignante-chercheuse à l’université. Du coup, nous décidons, mon compagnon et moi, de ne plus reporter ce projet d’enfant…
Après tout, pourquoi ne pas inverser et faire un enfant avant de vraiment bosser et quitter ces petits « boulots précaires » faits de contrats de recherche et de TD et de chômage ? Sauf que… ce n’est pas une mais deux bonnes nouvelles en ce printemps 88 : me voilà enceinte ET retenue pour un poste à l’université.
Et je me souviens très bien de ce week-end début septembre, enceinte de 6 mois, à la veille de mon audition à l’université, en train de chercher dans tout Paris comment cacher mon ventre (derrière un imperméable suffisamment grand ?), au lieu de mieux préparer cette audition…
Et puis, me voilà retenue. On m’annonce que j’aurai, dès ma rentrée immédiate, la possibilité d’avoir un cours magistral dans mon domaine de spécialité. Ni vue ni connue… Aucun prof de la fac (tous des hommes) n’avaient vu que j’étais enceinte… Mais il a bien fallu que je l’annonce. Et là, patatras : ils étaient plus que furieux ! Non pas que je sois enceinte me disent-ils mais… que j’aie pu penser d’eux qu’ils m’auraient discriminée…
Non, évidemment, jamais à l’université une telle chose n’existe ! Toujours est-il que je n’ai pas eu cet enseignement magistral, ni à cette rentrée ni après… et que, après mon congé maternité, rongée de culpabilité, j’ai accepté de faire pratiquement tout mon service annuel sur le second semestre… C’était ma première année à la fac… c’était il y a 27 ans… Tout ceci a disparu, non ?
Rachel Silvera, économiste, maîtresse de conférences