Audrey : « Je voudrais juste faire mon travail du mieux possible et vivre un peu ma vie aussi »

publié le 20 octobre 2016
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=Vivre à Paris, souvent, c’est vivre dans un petit appartement et l’arrivée d’un second enfant implique généralement un déménagement.

Parfois, cela oblige à changer de quartier et d’arrondissement. Alors, la place en crèche de bébé n°1, obtenue aux 22 mois de l’enfant, après de multiples démarches est perdue pour bébé n°2. Le réseau des nounous et des familles pour une garde partagée ? Perdu aussi.

Et il était hors de question de laisser ce second enfant à une inconnue à 2,5 mois. Alors j’ai pris un congé parental qui me permettait aussi d’accompagner mon premier enfant dans ses premiers pas à l’école maternelle. Un an. Juste un an.

Avant de partir en congé, j’ai recruté un stagiaire susceptible d’enchaîner par un statut plus pérenne et capable d’assumer la majeure partie de mes missions. Pour les autres dossiers, je me suis dit que ce serait une super expérience pour un junior. Alors j’ai rédigé un profil de poste en ce sens et mon boss a recruté une jeune femme.

Je suis allée présenter ma demande au big boss dans son bureau. Elle m’a dit « chacun ses choix », avec un grand sourire.

Et je suis partie en congé parental.

Je suis restée en contact. J’ai déjeuné avec des collègues, avec mon boss. Au fil des mois, je crois que j’ai senti un léger malaise, une distance s’installer. Je n’y ai pas prêté  attention. J’étais très occupée.

Au bout de 8 mois de contacts et de sollicitations diverses, j’ai obtenu la place en crèche convoitée. Ouf. Tout était en place et je trépignais de retrouver mon job, mes collègues, ma position sociale.

Je suis passée au bureau une semaine avant la reprise. On m’a montré un nouveau bureau. Le lundi de ma rentrée, quelques jours après, ce bureau était occupé. Malaise.

J’ai été installée ailleurs. Mon boss m’a dit : « Tu sais les deux personnes qui t’ont remplacée sont inquiètes de ton retour. Elles sont sur un gros projet ». J’ai répondu que je comprenais. Que bien sûr, il fallait les laisser terminer ce dossier. Mais les projets se sont ensuite enchaînés – sans moi.

J’ai négocié une lettre de mission de big boss sur un ancien dossier qui revenait sur le devant de la scène. Je suis partie assister à des colloques. Puis, j’ai constaté que ce dossier était planté.

J’ai eu du mal à réaliser que je ne servais plus à rien. On m’a reproché un mail maladroit avant mon départ dont on ne m’avait rien dit parce que j’étais enceinte.

Je me suis renfermée. J’ai pensé que ces gens étaient minables et que je n’avais pas envie de travailler pour de telles personnes.

Mon salaire était versé. Personne ne contrôlait ni mon travail (pour cause !), ni mes horaires. J’ai demandé des formations qui m’ont été accordées, un bilan de compétence qui m’a orientée vers des concours auxquels j’ai échoué de peu. Et puis, j’ai eu un accompagnement d’outplacement et je suis partie.

Pendant deux ans, j’ai été payée à ne rien faire. J’ai perdu mes règles. Péri ménopause à 40 ans. J’ai cru que c’était dû aux difficultés que je traversais dans mon couple. Récemment à la radio, j’ai appris que c’était l’un des premiers symptômes des femmes en souffrance au travail.

Voilà. J’ai trouvé un autre travail. Il est moins qualifié, je suis moins payée et je suis plus loin de chez moi. Mais je devais bénéficier de télétravail.

Les missions sont intéressantes mais l’ambiance est difficile. Oui, j’ai deux enfants maintenant. Parfois malades. Alors je suis parfois absente. Au sein d’une équipe ça gêne. Je ne fais qu’exercer mes droits mais on me reproche d’avoir la chance de rendre mes contraintes personnelles compatibles avec mon travail. Quelle mauvaise femme je suis ! On me refuse des congés pendant les vacances scolaires sans vrai motif professionnel. Le télétravail, c’est au compte-goutte. Ah oui, je ne suis pas copine avec ma cheffe. C’est bête ? Je voudrais juste faire mon travail du mieux possible et vivre un peu ma vie aussi, en famille, avec mes copines.

Cet été, j’ai revu un de mes anciens boss, avec lequel j’ai travaillé pendant 5 ans, quand je n’avais pas d’enfant. Devant mes filles – qui ne connaissent que leur mère en difficulté au travail – il a vanté mes qualités professionnelles et m’a prédit une belle carrière. J’espère qu’il n’est pas trop tard.

Audrey S., attachée territoriale principale

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